Station Haxo : l’oubliée du métropolitain

Une station du métro parisien, oubliée de tous sauf des initiés : voilà l’origine du nom de ce nouveau média que vous lisez aujourd’hui. La station Haxo n’intéresse personne, sauf les plus curieux, les amateurs d’histoires invraisemblables et d’aventures humaines improbables en train, en voiture, en avion ou en bateau. Station cachée au sein du réseau de la RATP, elle se mérite et ne se découvre qu’au travers du dédale de tunnels du métropolitain. A l’image de ce site qui, loin du SEO et de la course à l’audience, se propose de partager des histoires en mouvement à un public éclectique qui a soif de nouvelles histoires.

Les projets des lignes 3 et 7

Quand on y réfléchit, c’est parfaitement idiot une station de métro sans accès. C’est en tout cas le résultat d’un projet mal ficelé. Du gâchis financier de sa construction ne reste plus aujourd’hui que la joie des endroits cachés, le mystère d’une station fantôme. Pour comprendre les raisons de l’existence de la station, il faut remonter à l’année 1921. La RATP n’existe pas encore et le réseau, dans la partie Est de la capitale, est sous la responsabilité de la Compagnie du Chemin de Fer Métropolitain de Paris (plus connue sous le nom de CMP). Plus à l’ouest, une compagnie privée dénommée Société du Chemin de Fer Electrique souterrain Nord-Sud de Paris (communément appelée Compagnie Nord-Sud). Dans ce quartier limitrophe des 19ème et 20ème arrondissements voisinent deux lignes de la CMP : la ligne 3 dont le terminus se situe alors à la station Gambetta et la ligne 7 dont l’une des branches rejoint la station Pré Saint-Gervais en passant par la station Place des Fêtes. Au début des années 20, il est décidé de prolonger la ligne 3 jusqu’à la Porte des Lilas en passant par deux nouvelles stations : Pelleport et Saint-Fargeau. C’est alors que la municipalité imagine de relier les deux lignes par une navette allant de la station Place des Fêtes jusqu’au terminus de la 3 Porte des Lilas.

Un tronçon navette entre Place des Fêtes et Porte des Lilas

L’idée de cette voie navette ? Pouvoir faire passer le matériel entre les deux lignes (les 3bis et 7bis n’existent pas encore) d’une part, mais aussi créer une desserte aux alentours de la rue Haxo. Malgré les réticences de la CMP, les travaux sont engagés en même temps que ceux du prolongement de la ligne 3. Deux tunnels sont construits : l’un reliant directement dans un sens la Place des Fêtes à la Porte des Lilas (appelé la voie des Fêtes), l’autre dans le sens inverse disposant d’une station intermédiaire : notre fameuse station Haxo (qui doit son nom à la rue éponyme, en hommage au Général Haxo). Sur ce tronçon est aussi construite une deuxième station Porte des Lilas pour la correspondance avec la ligne 3. Malgré des travaux quasi terminés, le projet d’ouverture d’Haxo est rapidement abandonné, la station étant finalement jugée inutile. Un simple service de navette, sans arrêt, est lancé à partir de 1921, mais rapidement abandonné par manque de voyageurs et, par ricochet, de rentabilité. La deuxième station Porte des Lilas, reliée à la station principale par des couloirs, est alors fermée. Elle deviendra alors un lieu bien connu des cinéphiles : Porte des Lilas-Cinéma, une station dédiée aux tournages de films ou de publicité, qui servira notamment de décor pour Le fabuleux destin d’Amélie Poulain.

Station fantôme

Haxo, elle, restera donc vierge de tous passagers, ignorée de tous sauf des amateurs d’Urbex. On peut la visiter ponctuellement, notamment lors des journées du patrimoine, en métro Sprague-Thomson. Elle servira aussi pour la présentation officielle de la nouvelle rame MF88 le 29 décembre 1992 sous le slogan « en route pour 1993 ». Elle en conserve d’ailleurs encore le panneau. Vous l’aurez compris, la station Haxo n’a aucun sens, aucune utilité aujourd’hui, mais elle conserve le charme fou des lieux insolites, s’entoure d’une aura mystérieuse prête à enivrer les curieux, passionne les fous furieux de l’anecdote et les nostalgiques d’une époque disparue : en somme Haxo nous résume bien, inutile et indispensable à la fois.