Prenez-là dans tous les sens, de profil, de face, de ¾ avant ou arrière, il n’y a rien qui va dans le dessin de la Peugeot 3008 de première génération. Visuellement pataude, elle pourrait porter un badge Ssangyong sans que cela n’émeuve personne. Antithèse de l’émotion automobile, la 3008 I, nom de code T84, a pourtant réussi à s’imposer (en France du moins) sur un nouveau segment, préparant le terrain pour le carton de ce début de siècle, la 3008 II (P84). Comme quoi, la beauté physique ne fait pas tout et la 3008, en intégrant les codes des SUV naissant tout en gardant une certaine filiation avec les monospaces mourant, était un excellent trait d’union entre deux époques pour Peugeot.
Production totale (2009-2016) : 867 519 exemplaires
Dessiné par le centre de style Peugeot sous la direction de Jérôme Gallix (qui a succédé à Gérard Welter en 2007), le Peugeot 3008 manque – a priori – de sex appeal. Présenté au Salon de Paris 2008 sous la forme d’un concept car nommé Prologue Hybrid4, il inaugure l’entrée de Peugeot dans l’ère du Crossover plus que du SUV. Cependant, sous ses airs patauds, cette étrangeté vise juste. Peugeot a pu observer depuis 2007 et le lancement de son 4007 (un Mitsubishi Outlander redessiné à la sauce franc-comtoise) que le marché français n’était pas encore prêt aux SUV purs et durs. La même année, Nissan lançait son Qashqai, une vraie réussite préfigurant les SUV modernes des années 2010 tandis qu’un an plus tard, Renault présentait l’étrange Koleos, fabriqué en Corée.
Le moche fait vendre
Si le Renault Koleos et le Peugeot 3008 suivent une même voie vers le très moche, leurs routes divergent vite. Car à la rondeur étrange du franco-coréen, le Lion réplique par une drôle de boîte bien carrée, mastoc, costaude, tout en se passant de transmission intégrale. Astuce technologico-marketing : combler cette absence par une innovation satisfaisante pour l’utilisation de la clientèle du nom de Grip Control. Un gadget supposé améliorer l’adhérence sans jamais transformer la voiture en transmission intégrale. En fait, le système agit comme un différentiel à glissement limité, en transférant le maximum de couple sur la roue adhérente. De quoi se sortir ponctuellement d’une ornière difficile, mais en aucun cas pour du tout terrain.
Peu importe, la clientèle ne veut pas foncièrement de transmission intégrale, juste le look baroudeur et rien de plus. Renault, propose avec le Koleos cette solution lourde, chère et inutile sur le marché, sans réussir à séduire. Bien vu Peugeot qui ne se prive pas de mettre en avant ce fameux Grip Control dans toutes ses publicités dès le lancement en 2009. Ce système sera ensuite proposé sur de nombreux modèles de la gamme.
Parfaitement positionné
Positionné sous le 4007 d’un côté (un modèle aux coûts de développement mesurés, fabriqué par un tiers et qui peut se permettre de sous-performer) et le 5008 de l’autre, un vrai monospace à l’ancienne, le 3008 s’avère une alternative intéressante : plus grand que les monospaces compacts, moins connoté famille nombreuse, plus sécurisant par sa position de conduite haute (tout comme sa ceinture de caisse), le 3008 réussit à séduire malgré son faciès inélégant et son allure déséquilibrée. A la manière des premières générations de Prius, le laid semble se vendre du moment qu’il innove et / ou représente la voie à suivre.
L’immense succès du 3008 deuxième du nom, lancé en 2016 et diablement plus sexy, nous fait pourtant oublier le succès inespéré du 3008 initial. Personne (et surtout pas moi) n’aurait parié un kopeck sur cet étrange animal. Le Qashqai paraissait, à l’époque, bigrement plus séduisant, mais il ne disposait pas des atouts du 3008. D’une part, il était français, et fabriqué en France, à Sochaux, ce qui compte pour les clients hexagonaux (l’origine coréenne du Koleos fut sans doute un frein chez Renault). De ce fait, il bénéficiait d’un réseau bien plus large que celui de Nissan. D’autre part, il se trouvait extrêmement bien placé en prix. Au-delà de ces considérations, la plate-forme PF2 s’avérait particulièrement bien née, procurant au 3008 une tenue de route exemplaire pour une voiture de ce volume (et de ce poids). Enfin, Peugeot proposait une large gamme de moteurs, notamment diesel, parfaitement connus et relativement performants. Cerise sur le gâteau, Peugeot proposait à partir de 2011 une version hybride (mais diesel) : anecdotique certes, mais propice à faire vivre le modèle quelques années supplémentaires.
Carton plein
Avec le 3008 et le 5008 de première génération, Peugeot faisait le plein. Le grand monospace, très classique et élégant, faisait mieux que son prédécesseur, le 807, avec 325 976 exemplaires et raflait les derniers adeptes du monospace, tandis que le 3008 compensait l’absence de monospace compact dans la gamme Peugeot (un segment réservé à Citroën) par un Crossover parfaitement adapté pour transformer les français en adeptes du SUV à la française. Entre 2009 et 2016 (2020 en Chine), il s’en vendra 867 519 exemplaires. Largement de quoi préparer le terrain au successeur, le P84, qui n’avait plus qu’à soigner son design pour enfoncer le clou : une mission parfaitement réussie par les équipes de Gilles Vidal.
Vous savez quoi ? J’ai presque envie d’en acheter un maintenant !