Voilà longtemps que je voulais parler de ces deux voitures portant le même nom en Chine et s’appelant Citroën XM et Xantia partout ailleurs, par manque de temps et surtout de photographies intéressantes. Il était temps de réparer cette erreur en vous présentant ici les Fengshen-Citroën XM 2.0 et XM 3 litres.
Citroën s’est implantée en Chine en pionnière en signant un contrat de joint-venture avec Dongfeng dès 1990. Les premières voitures produites en Chine à partir de 1992 sont des ZX (rapidement renommées Fukang) encore tout à fait modernes mais Citroën et Dongfeng se verraient bien élargir la gamme par le haut avec des berlines plus statutaires. En ce milieu des années 90, la Chine n’est pas encore celle qu’on connaît et le marché semble encore restreint mais disposer d’un vaisseau amiral en conquérant un nouveau pays paraît une bonne idée. Seulement voilà, importer directement des XM et Xantia en provenance de France rendrait les modèles prohibitifs à cause d’importants droits de douane sur les importations. Fabriquer localement ces voitures serait en revanche un trop lourd investissement pour des prévisions de ventes bien faibles.
Une entourloupe pour baisser les taxes d’importation
Or dans la zone franche de la province de Guangdong, les choses étaient un peu différentes du reste de la Chine. Les règles de la coentreprise y étaient beaucoup souples, tout comme l’administration d’ailleurs. Sous l’association Fengshen-Citroën (Fengshen étant une filiale de Dongfeng), le duo allait donc y installer un atelier chargé d’exploiter une astuce de la réglementation en jouant sur les mots. Puisque les taxes sur les pièces détachées étaient faibles, il suffisait d’importer la XM d’abord à partir de 1996 (puis la Xantia en 1997, AM 98 puisqu’elle bénéficiait du restylage) en kit. Enfin, soyons clair, et c’est là qu’est l’entourloupe : les voitures arrivaient montées, mais accompagnées de quelques accessoires (pneus, essuie-glaces, rétroviseurs, voire simplement la batterie) faciles à monter à Huizhou dans le Guangdong. L’administration de la zone franche fermait les yeux sur cette pratique que d’autres constructeurs utilisaient pour exactement les mêmes raisons.
Un seul nom pour deux voitures
Finalement, la seule chose vraiment chinoise qu’on trouvait sur cette voiture était le logo Dongfeng sur la malle arrière, et la nouvelle inscription Fengshen-Citroën XM à droite de la malle. Pour le reste, il s’agissait de voitures françaises en provenance de Rennes-La Janais. Mais alors pourquoi ces deux voitures portaient le même nom me direz-vous ? Là encore il s’agit d’une entourloupe. L’importation de la XM à partir de 1996 a sans doute été décidée en premier, avant que la Xantia ne se joigne à la fête. Or si Fengshen-Citroën avait réussi à obtenir l’autorisation pour la production de la XM, il n’en fut pas de même pour la Xantia qui fut donc appelée elle aussi XM 2.0 (moteur 2 litres 16 soupapes de 135 chevaux)..
La XM, elle, était appelée XM 3.0 et recevait le V6 ES9 3 litres de 194 chevaux. Mais là encore, elle bénéficiait d’une largesse de l’administration puisque les plaques apposées à Huizhou sur la voiture portaient la cylindrée de 2 498 cc et sont expressément nommées XM2.5 pour réduire encore plus les taxes ! Autant dire que tout cela profitait de zones grises et de largesses administratives qui donnent une idée des avantages d’une zone franche telle que celle de Guangdong à cette époque là. Toutes ces manipulations avec la réalité permettaient cependant de proposer la XM à 600 000 yuans et la Xantia à 400 000.
Une éphémère présence sur le marché
La “production” ne dura pas très longtemps, et cessa sans doute en 1998. D’une part, ces voitures ne répondaient pas franchement aux besoins réels du marché chinois (l’état achetant plus volontiers Hongqi, Audi et Volkswagen pour ses besoins) et nécessitaient un entretien soigné impossible à prodiguer (notamment pour l’hydraulique) ; d’autre part, les chinois reprirent rapidement en main les pratiques douteuses de la zone franche conduisant à interdire ces pratiques astucieuses pour échapper aux lourdes taxes.
On ne trouve aucun chiffre officiel concernant la réelle diffusion de ces deux XM. Pour notre vraie XM, seuls 4 569 berlines dotées du ES9 furent produites (cf. chiffre de production XM V6), autant dire qu’une centaine au grand maximum aurait pu échouer en Chine. Quant à la Xantia, les photos sont encore plus rares que celles de la XM, laissant croire à une diffusion encore moindre. Ironie de l’histoire, Dongfeng et Citroën tenteront de produire légalement en Chine les XM et Xantia dont la production avait stoppé en France, mais obtiendront un refus ferme du gouvernement : un juste retour de bâton ?