Lire Haxo c’est être curieux de tout, y compris des bottes de nos gardes républicains. Depuis 1975, au gré des appels d’offre (le dernier date de 2018), les cavaliers et motocyclistes de la Garde Républicaine se chaussent en Weston dans la plus grande discussion, perpétuant l’élégance française même sous les drapeaux. Parlons donc de la botte (la vraie).
Des Weston pour les cavaliers
A chaque nouvelle recrue, la Garde Républicaine propose la botte. N’y voyez rien de grivois, au contraire, puisqu’elle fait partie intégrante de l’uniforme (et du prestige) des gardes de nos institutions. Les hommes et femmes des Célestins, de Kellerman, Schomberg, Carnot, Nogent, Saint Maurice ou Saint Germain en Laye ont cela en commun : des « Limoges », ces bottes en cuir que l’on surnomme du nom de leur ville d’origine, capitale du Limousin. Outre la pointure, 7 cotes sont nécessaires pour livrer une botte parfaitement adaptée au cavalier ou au motocycliste, confectionnée par JM Weston depuis 1975.
Ah Weston, ses 180, Derby, Golf et autres bottines portant haut l’art de la chaussure de luxe à la française malgré un nom très anglo-saxon. A côté de ces produits grand-public se niche une offre plus particulière : les bottes de cavalerie. Une activité qui n’entrait pourtant pas, au début, dans le champ d’activité de Weston, pas plus que l’équipement de la Garde Républicaine ou de la Gendarmerie en son temps. En effet, l’histoire des bottes « Limoges » ne date pas d’hier, et en réalité pas de Weston non plus.
A l’origine était Sylvestre Vincent
Remontons le temps : en 1940, la Manufacture de Chaussures de Luxe Sylvestre Vincent et Frère, installée dans la capitale limousine, obtient le contrat de fourniture de bottes auprès de la Gendarmerie Nationale et de la Garde Républicaine. Une aubaine assurant un chiffre d’affaire régulier et assuré en complément de la vente de chaussures et de bottes de cavalerie « civiles ». C’est à cette époque que les motocyclistes de la Gendarmerie abandonnent le cuir marron pour le cuir noir qui restera l’apanage des « Limoges ».
Sylvestre Vincent et Frère, cette vénérable fabrique, allait conserver le marché jusqu’en 1974. Malheureusement, la société périclite dangereusement malgré ce précieux contrat, et finit par tirer le rideau. JM Weston, tout juste racheté par Jean-Louis Descours (le patron des chaussures André à l’époque) en son nom propre, en profite et rachète la marque et les savoirs-faire, mais laissant l’antique usine sur le carreau. Weston met ainsi un pied dans la botte, et un autre dans l’institution militaire. Encore fallait-il préserver la poule aux œufs d’or : l’armée et sa rente annuelle. En 1975, et malgré le changement de propriétaire, le contrat est renouvelé : JM Weston fournira, dans la continuité de Sylvestre Vincent, les bottes des gendarmes et des gardes républicains. Elles garderont leur surnom de « Limoges », expliquant que certains gendarmes ne sachent même pas qu’ils étaient désormais chaussés en Weston !
Quand Weston copie Weston
En 1994, Weston doit faire face à une importante offensive appelée « contrefaçon ». Le succès de son mocassin 180, souvent appelé Jeanson-de-Sailly, de ses Golf entraîne la concurrence pas forcément chinoise à proposer des modèles similaires. Forte de sa marque Sylvestre Vincent, Weston va alors proposer un truc incroyable : ses propres copies. Quitte à concurrencer la maison-mère, Weston lance des Sylvestre Vincent à la manière d’un second vin pour un Grand Cru Classé, distribuées dans un circuit sélectif (là où Weston ne vend qu’en propre, en boutique ou désormais en corner dans des grands-magasins chics). La différence se voyait surtout au niveau de la semelle (caoutchouc au lieu de cuir) mais l’expérience ne sera pas longue : le renouveau de Weston dans les années 2000, moins orienté vers ses « classiques », rendra l’opération moins intéressante et il faudra attendre les années 2010 pour voir le Moc’ revenir d’entre les morts. De toute façon, les 180 façons Sylvestre Vincent n’étaient qu’un pis aller et Weston ne prévoyait que 30 000 paires par an (contre 80 000 pour Weston à l’époque).
De la Garde Républicaine à Coëtquidan
Le contrat liant Weston à la Garde Républicaine a été reconduit en janvier 2018. En revanche, les motocyclistes de la Gendarmerie se passent désormais de « Limoges » certes idéales pour les cérémonies mais plus vraiment adaptées aux conditions réelles d’utilisation. Ce qu’ils perdent en prestige, ils le gagnent en efficacité. Désormais, seuls leurs collègues de la Garde Républicaine, cavaliers ou motocyclistes, ont droit aux fameuses bottes. Cependant, on trouve d’autres Weston dans l’Armée Française : à Coëtquidan, les élèves de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint Cyr gardent le privilège de bottines Weston.
Images : JM Weston, Les Hardis